Sarcelles, portrait d’une ville
Le « grand ensemble » de Sarcelles regroupe 12 300 logements construits de 1954 à 1982. Au-delà de sa taille, il est exemplaire par le nombre de communautés qui y cohabitent harmonieusement et par son caractère véritablement urbain. C’est une ville moderne réalisée, au sens traditionnel du terme, avec rues animées, commerces, bars et restaurants.
Comme tous les quartiers français de l’après-guerre, il est actuellement transformé par l’Agence Nationale de la Rénovation Urbaine (ANRU). Ses acteurs, réunis par une commune détestation de l’urbanisme et de l’architecture de l’Après-guerre, cherchent systématiquement à remplacer les bâtiments existants par de nouveaux, sans aucun égard pour la qualité intrinsèque et potentielle de ces bâtiments, ni pour leur valeur historique. Ainsi, à Sarcelles, où la majeure partie du grand ensemble est construite en pierre massive, des « barres » construites dans ce matériau aussi durable que pérenne ont été démolies pour être remplacées par des plots génériques isolés par l’extérieur. Perte culturelle, perte urbaine, perte environnementale, perte financière.
Les architectes de Sarcelles, Henri Boileau (1909-1989) et Jacques-Henri Labourdette (1915-2003), appartenaient à une tradition d’architectes modernes qui, à l’instar de Fernand Pouillon (1912-1986), avait été formée par Eugène Beaudoin (1898-1983). Une tradition qui se caractérise par un intérêt particulier pour la composition de séquences urbaines, pour la relation entre les pleins et les vides, entre les bâtiments et la qualité des vides qu’ils produisent entre eux. C’est cette qualité que l’on retrouve à Sarcelles, comme dans les réalisations de Fernand Pouillon, telles que l’ensemble de logements du Point du Jour à Boulogne, que Boileau et Labourdette termineront après le placement de leur auteur en prison.
Chaque projet développé par les étudiant.e.s a consisté en la transformation d’un immeuble de logements, exemplaire de l’une des dix phases de construction du grand ensemble, souvent voué à une démolition-reconstruction future, afin de montrer comment il peut être conservé et transformé. Une réflexion formelle à la croisée de l’usage, de la construction, de la sauvegarde patrimoniale, des enjeux environnementaux, ou comment l’habitat parle du monde dans son ensemble.
Sarcelles IX
La façade existante présente une particularité intéressante car sa forme est carrée. Cette dernière mesure 42,3 mètres de hauteur à partir du niveau de la route et 42,3 mètres de longueur. Cependant, ce carré est dissimulé par le sol au niveau du parc.
Notre projet a ainsi pour but de renforcer cette idée de forme carrée en créant une extension composée d’une grille tridimensionnelle, dimensionnée en fonction des mesures de la façade. Chaque cube de la grille mesure 2,6 mètres de côté, correspondant à la hauteur d’un étage.
Pour représenter pleinement le carré de l'extension visible à l'œil nu, un décalage de la grille d’un étage en hauteur est effectué, créant une corniche sur la façade.
L'extension est posée sur un socle en béton, créant ainsi une nouvelle entrée à travers la structure tridimensionnelle. Cette base au sol et la corniche mettent bien en valeur la structure de l'extension. Une particularité a été ajoutée pour mettre en avant la structure de la grille au niveau des balcons de l’extension.
La dalle du plafond est revêtue d’une matière réfléchissante, permettant de refléter la moitié de la poutre et créant ainsi l’illusion qu’elle est complète, une référence à Loos et ses miroirs du bâtiment American Bar. L'extension permet d’ajouter de l’espace dans les typologies d’appartements existants. Chaque appartement bénéficie désormais d’un espace extérieur et une chambre, chacun composé de deux cellules de la grille.
Il en résulte deux typologies différentes : l'une, définissant un logement T3, pour les appartements situés au niveau des pignons, et l'autre, définissant un logement T5, pour ceux du centre.
La typologie est agencée de manière à ce qu’une pièce de vie centrale distribue les différentes pièces autour, telles que les chambres, les salles de bains et les balcons. Cette pièce de vie centrale fait office de salle de passage, de cuisine et de salon, dans l’esprit d’un espace de rassemblement semblable à une ferme, avec une grande table à manger au centre.
Dans les deux typologies, l'agencement est structuré autour de trois axes horizontaux : le premier axe comprend un espace plus intime avec principalement les chambres, l'axe central est occupé par la pièce de vie, et le dernier axe de l'extension inclut l'espace extérieur et une chambre plus indépendante. Pour ajouter davantage de dynamisme, l'une des chambres du premier axe peut s'ouvrir sur le salon grâce à une double porte.
Les appartements centraux bénéficient d'une colonne structurelle dans la pièce de vie, ce qui améliore considérablement la définition de l'espace. Dans les appartements situés aux pignons, un poteau non structurel est ajouté pour offrir les mêmes avantages qu'une colonne. Pour distinguer la colonne structurelle de la colonne non structurelle, cette dernière est conçue de manière à ce qu'il soit évident qu'elle n'est pas porteuse en scindant la colonne en deux, laissant un espace de 40cm. Cette intervention permet de clairement définir la colonne comme un élément structurant de l'espace et offre aux habitants un espace supplémentaire pour entreposer des objets dans l'interstice du poteau.
Malgré l'agencement de la table et du salon dans l'espace de vie central, le mobilier est conçu pour être le plus amovible possible, permettant une liberté d'aménagement.
Pour la façade nord et les pignons, l’intention a été de conserver les façades existantes et de résoudre les problèmes d’isolation en isolant les façades par l’intérieur et en remplaçant les fenêtres par des nouvelles.